Emissions carbonées : que dit la réglementation européenne ?

07 avr 2025

Mardi 1 er avril, le Gifec et le cabinet de conseil Carbon Cutter, spécialisé dans les enjeux de la transition écologique, ont fait le point sur la réglementation européenne en vigueur autour de la décarbonation.

 

Le plan « Fit for 55 »

En juin 2021, l'Union européenne présente son plan climat « Fit for 55 » pour une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, par rapport à 1990. Ce « pack » législatif regroupe des mesures d'une ampleur inédite dans le cadre de la neutralité carbone visée à l'horizon 2050.

Parmi ces mesures phares, on retrouve notamment la fin des voitures diesel et essence pour 2035, la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne ou encore la refonte du marché européen du carbone.

L’offensive réglementaire est à l’origine de nombreux acronymes (SEQE, CBAM, CSRD, CS3D…) explorés plus en détail lors de la conférence du 1 er avril prévue à l’agenda du Gifec pour répondre aux questions des industriels en la matière.

Le marché européen des quotas carbone (SEQE)

Le système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) a été instauré en 2005. Ce mécanisme pollueur-payeur établit le prix de la tonne de CO2 pour les secteurs d'activité les plus émetteurs.

La refonte de ce texte vise l'extension du système afin de couvrir les combustibles du transport routier et de la production de chaleur des bâtiments. Jusqu'ici, ces postes de consommation en énergie n'étaient pas concernés. Ils rejoindront un marché de carbone distinct d'ici 2027, alors que le transport maritime intégrera le système existant.

En France, les 50 sites industriels qui émettent le plus d’équivalent CO2 (ArcelorMittal, TotalEnergies, Engie…) représentent 40 % des émissions de l'industrie du pays. À l'échelle de l'Europe, le SEQE vise quelque 11 000 sites parmi les plus émissifs. Les obligés doivent couvrir leurs émissions annuelles par l'achat de quotas d'émissions.

Le prix des quotas achetés évolue selon la demande. Au moment de la conférence, le Gifec et Cutter Carbone notent que la tonne de CO2eq vaut 71,30 euros, alors qu’elle atteignait 84 euros deux mois avant et s’établissait à 64 euros à la fin de l’année 2024.

Pour ne pas pénaliser les industriels, une part importante des quotas était accessible gratuitement. Toutefois, à partir de cette année la baisse programmée des quotas gratuits entame sa progression pour atteindre 0 % d'ici 2035.

En conséquence, avec un coût du carbone qui augmente, baisser ses émissions carbonées permet de réduire le coût de ses produits.

 

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF)

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) joue un rôle essentiel dans cette transition. Le MACF ou CBAM en anglais (Carbon Border Adjustment Mechanism) est un peu le poste-frontière de l'émission carbone.

Si vous êtes un industriel européen, vous payez des quotas carbone pour chaque tonne d'équivalent CO2 émise.

Si vous êtes un industriel extra européen, vous payez la même taxe carbone que si le produit avait été fabriqué en Europe.

Les produits concernés par le MACF sont à ce jour :

  • L’acier
  • L’aluminium
  • l'hydrogène
  • L’engrais azoté
  • L’électricité
  • Le ciment

Les importateurs extra-européens de ces produits s'enregistrent à la douane et déposent leur déclaration d'émissions.

Ce système MACF/CBAM prend de l’ampleur à mesure que le nombre de quotas gratuits diminue. Il sera déployé à 100 % d’ici 2035 lorsqu’il n’y aura plus aucun quota gratuit.

Dans ce contexte, les industriels ont intérêt à mesurer rapidement leurs niveaux d'émissions et à les réduire afin de ne pas être écarté du marché.

Le règlement sur la déforestation

La déforestation est aussi ancienne que l'exploitation de la ressource bois pour la construction ou la production d'énergie. Néanmoins, depuis la révolution industrielle, le rythme s'est nettement accéléré.

État des lieux de la déforestation dans le monde

Chaque année, l'équivalent de la surface du Portugal est déforesté. Dans les faits, ce n’est pas tant le besoin en bois, mais l'élevage bovin (65% de la déforestation en Amérique du Sud) qui impacte le plus nos forêts à travers le monde.

Dans les tropiques, il faut compter 7 siècles pour passer d'une forêt secondaire à une forêt primaire. En Europe, ce délai passe à 10 siècles. Autrement dit, on ne peut pas replanter une forêt ancienne, alors que les écosystèmes forestiers sont indispensables à l'équilibre de la vie et au bon fonctionnement de nos sociétés.

En France, 250 kg de CO2e par habitant sont liés à la déforestation , soit l’équivalent d’environ 2000 km en voiture.

Le RDUE pour stopper la contribution de l’UE par le commerce international

Pour que l'Union européenne cesse de contribuer à la déforestation par le biais du commerce international , certains produits agricoles sont visés par le règlement sur la déforestation Union européenne (RDUE). Il s’agit du cacao, du café, de l'huile de palme, du soja, du caoutchouc, du bœuf, mais aussi des produits dérivés comme le cuir, le charbon ou le papier imprimé.

Comme Michelin, LVMH ou Ferrero, vous êtes producteur ou importateur de tels produits ? Vous êtes concerné par le RDUE. Pour vous mettre en conformité avec cette réglementation, vous devez vous assurer que les produits :

  • Ne proviennent pas de terres déforestées ou dégradées après 2020
  • Respectent les conditions établies par la législation du pays de production
  • Font l'objet d'une diligence raisonnée

Cette diligence se déroule en 3 étapes selon le niveau de risque présenté par le pays de production : le recueil d'informations, l'évaluation du risque et la mise en place de mesures d'atténuation afin d'atteindre un niveau de risque nul ou négligeable.

La diligence raisonnée et la déclaration pour les produits qui en font l'objet ne concernent pas les TPE et PME. Ces opérateurs ne sont pas non plus tenus de faire la déclaration pour les produits concernés.

 

Le Green deal européen : la CSRD, la CS3D

Le réchauffement climatique menace la santé des entreprises et représente un risque pour les investisseurs et les gestionnaires d'actifs, alors que la crise environnementale pourrait devenir une crise économique.

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)

La CSRD a pour but d'harmoniser le reporting extra financier des entreprises . Cela permet d'identifier les structures les plus résilientes et les plus performantes en tenant compte de la double matérialité, la « matérialité d'impact » et la « matérialité financière » de l'entreprise sur son environnement.

En février 2025, la Commission européenne annonce de nouveaux seuils applicables dans le cadre de la CSRD. Le nombre d'entreprises concernées devrait diminuer passant d’environ 50 000 à 10 000, pour ne toucher que les structures de plus de 1000 collaborateurs avec un chiffre d'affaires supérieur à 50M d'euros. Les délais de reporting sont étendus, et le reporting volontaire est introduit pour les entreprises de moins de 1000 employés.

La révision de la directive proposée par la commission doit toutefois encore être adoptée par le Parlement européen et le Conseil européen.

La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D ou CSDDD)

En 2013, l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, aussi connu sous le nom de catastrophe de l'usine de Dacca, a motivé la mise en place du devoir de vigilance instaurée en France afin de garantir une meilleure gestion des risques. Ce devoir couvre l'ensemble des impacts environnementaux et humains sur toute la chaîne de valeur. Il concerne toutes les entreprises de plus de 1000 salariés avec un chiffre d'affaires de plus de 450 M d’euros.

Il suppose la mise en place d'un plan de vigilance regroupant des mesures de prévention avec une évaluation des risques et une liste de moyens permettant de corriger les atteintes constatées sur l'environnement, les droits humains, la santé et la sécurité. Cette loi offre également un cadre juridique pour de nombreux contentieux. Elle a permis la mise en demeure de Danone et de 8 autres entreprises du secteur de l'agroalimentaire pour réduire la pollution plastique.

Ce sont les États membres qui fixent les amendes « proportionnées » et « dissuasifs ».

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